Arboretum
de Lasseube : Jean Bourdet ou la passion
des arbres
Jean
Bourdet a planté des centaines d'arbres
du monde entier à Lasseube. Le Conseil général
en a sélectionné 500, les plus exceptionnels,
pour créer un arboretum.
Sa
musette, c'était un peu sa malle aux trésors.
Le ventre toujours gonflé de plants ou de
boutures d'arbres, elle accompagnait Jean
Bourdet partout. Cet habitant des hauteurs
de Lasseube, à une vingtaine de kilomètres
en lacets de Pau, profitait de déplacements
à Oloron ou dans la cité d'Henri IV pour
faire une escapade dans les parcs et récolter
des graines. "C'était un passionné,
un Don Quichotte, une tête à part".
A 61 ans, Joseph, l'un des ses fils, voue
toujours une immense admiration à son père
décédé en 1994 à 90 ans. Avec ses quatre
frères et soeur, il entretient le patrimoine
végétal légué par leur père. Jean Bourdet,
dit «Jan de Payssas», du nom du lieu, a
consacré sa vie et une grande partie de
ses modestes moyens à planter quelque 1500
arbres sur ses terres. Les yeux de Joseph
Bourdet-Pées s'illuminent. "C'était
le prototype du passionné. Un véritable
collectionneur, un autodidacte". Cette
passion le gagne durant son service militaire
en 1930 au Maroc. Revenu à Lasseube, Jean
Bourdet rêve encore des forêts de cèdres
du Haut-Atlas. Il écume les catalogues spécialisés,
accumule les connaissances et commande des
espèces abandonnées depuis en France. Aujourd'hui,
au bord de la route qui longe la propriété
ou au creux d'une pente, s'égrène tout un
monde végétal : silhouette courbée d'un
cryptomeria du Japon, franges d'un épicéa
qui s'ébrouent dans le vent, massif pin
noir d'Autriche, pin des Landes, cèdre de
l'Himalaya, séquoia, cèdre de l'Atlas, large
couverture d'un noyer de Siebold, larges
branches d'un cyprès de Lambert, cyprès
chauve dont les racines ont crevé la terre
pour chercher l'oxygène, comme dans les
marécages de Louisiane, dont l'arbre est
originaire. Certains de détenir un formidable
patrimoine, les cinq enfants de Jean Bourdet
mobilisent le Conseil général. Des expertises
menées en 1999 par deux spécialistes, Alain
Bruzy de l'ONF et Raymond Durand, directeur
d'un arboretum national, attestent de l'intérêt
scientifique du lieu. Cinq cents arbres,
représentant 130 espèces, sont sélectionnés
pour créer l'arboretum de Payssas, inauguré
en octobre 2003. Bernadette Malterre, chef
du service environnement du Conseil général,
Nicolas Watteau, technicien aux espaces
naturels sensibles et Sophie Malzieu, paysagiste,
hésitent sur la façon de valoriser le site
: biologiste, par les clefs de détermination,
paysagiste, en parlant des silhouettes d'arbres
? Le bureau d'études Akeme tranche : sur
un parcours d'1,2 kilomètre, des panneaux
expliquent en termes simples et à l'aide
de photos et d'anecdotes la famille de l'arbre,
l'origine de son nom, son importance. Certains
arbres sont de véritables monuments, comme
cette futaie unique au monde de 200 cèdres
du Liban plantés à la place d'une vigne
arrachée durant la crise viticole de 1946-1950.
Nicolas Watteau désigne les silhouettes
qui s'élancent vers le ciel, en rangs serrés.
"Au Liban, il n'en existe plus en forêt,
seulement en arbre isolé". A Lasseube,
ils sont très élancés, semblables à ceux
qu'ont vus les phéniciens, plusieurs millénaires
avant Jésus Christ. L'arboretum inclut également
dans son parcours un gingkobiloba. "On
l'appelle l'arbre fossile, l'arbre de la
préhistoire", commente Nicolas Watteau.
L'arbre a survécu aux explosions nucléaires
qui ont anéanti Hiroshima et Nagasaki au
Japon. Il rappelle aussi à Joseph Bourdet
le souvenir d'un caprice paternel : "Le
gingkobiloba possède des plants mâles et
femelles. Seul le plant femelle fait des
fruits, qui sentent terriblement mauvais.
Un jour, mon père en a ramassés, et comme
il avait entendu dire qu'il fallait les
garder au frais, il les a placés dans le
frigo familial, avec interdiction d'y toucher
pendant 3 mois !" Fantasque ou visionnaire,
Jean Bourdet a fait grandir à Lasseube une
forêt d'une extrême richesse. Sa musette
était vraiment une malle aux trésors.
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