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Les Araignées de
Noël Conte
de la tradition allemande Mise en mots: Francine
Coureau
C'était
aussi un 24 décembre, tôt dans l'après-midi. Dans
une grande maison blanche, on terminait le nettoyage
de Noël. Il fallait que la demeure reluise des cuisines
jusqu'aux chambres de bonnes pour accueillir dignement
le Père Noël.
La maîtresse de maison, une femme
aimante, un peu débordée par ses huit enfants, s'était
enfin assise dans son fauteuil et regardait le soleil
rougissant disparaître entre les sapins. Toute la
maison et ses habitants respiraient le bonheur du devoir
accompli.
Toute
la maison ? Pas vraiment. Dans le grenier où
elles s'étaient réfugiées, chassées par les balais,
les pattes à poussière et l'énergie nettoyeuse des femmes,
les araignées se désolaient. - Quelle horrible journée
! Qu'avons-nous donc fait pour être pourchassées de
la sorte, disait l'une. - Traquées, anéanties, mais
pourquoi donc ? se plaignait une seconde. - Il y
a un mystère là-dessous. Je propose que ce soir, quand
tout dormira, nous explorions la maison jusqu'au salon,
pour essayer de le découvrir.
Sa proposition
a été acceptée. Le temps, lentement, lentement,
s'est égoutté jusqu'au moment où enfin, on n'a plus
entendu dans la maison que les bruits du sommeil.
Alors, en file indienne, les araignées sont descendues
jusqu'au salon. La porte était entr'ouverte. Le
réverbère à gaz de l'avenue projetait sa douce lumière
jusque dans la pièce.
Ah quelle merveille ! Quelle
beauté ! Les noires petites bêtes en sont restées figées
! Dans un angle, s'élevant vers les stucs du plafond,
un sapin du vert le plus profond : il était décoré
de mille splendeurs. Des boules multicolores aux
ors mats, des angelots d'argent, des pommes brillantes,
des noix, des biscuits pendaient à ses branches, attachés
par des fils d'or.
La première, la plus hardie
est sortie de sa contemplation et s'est dirigée vers
l'arbre. Puis elle a regardé ses soeurs. Oseront-elles?
Elles ont osé.
Avec
douceur, pleines d'émerveillement, elles ont parcouru
l'arbre dans tous les sens, s'arrêtant qui sur une boule
bleu acier, qui sur un ânon de papier ou une aiguille
odorante. Elles arrivaient au terme de leur chemin.
Le roi de la forêt était maintenant recouvert du haut
en bas d'un entrelacs d'affreuses toiles grises.
A
ce moment là, on a entendu comme un grand vent dans
la cheminée et le Père Noël est apparu, les bras chargés
de paquets. Il a vu les araignées et les a saluées
d'un sourire plein de tendresse puis il a installé les
cadeaux sous l'arbre.
C'est
en se relevant qu'il s'est rendu compte du désastre.
Il a imaginé la maman et ses enfants, au matin de Noël,
devant l'arbre, des larmes de déception inondant leurs
visages. Non, il ne laisserait pas faire ça.
Il a tendu ses mains ridées pour améliorer le travail
des insectes velus. Un léger grésillement s'est
fait entendre. Sous leurs yeux stupéfaits, les araignées
ont vu l'arbre se métamorphoser, leur fils si ternes
et gris se mettant à briller comme des étoiles.
Elles sont remontées dans leur grenier, toujours
en file indienne, les yeux plein de la lumière de Noël.
On
dit que depuis ce jour-là, de scintillantes guirlandes
d'or et d'argent garnissent, elles aussi, notre arbre
de Noël."
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