L'Aigle et le Chat-huant leurs querelles cessèrent, Et firent tant qu'ils
s'embrassèrent. L'un jura foi de Roi, l'autre foi de Hibou, Qu'ils ne se
goberaient leurs petits peu ni prou. Connaissez-vous les miens ? dit
l'Oiseau de Minerve. - Non, dit l'Aigle.- Tant pis, reprit le triste Oiseau. Je crains en ce cas pour leur peau : C'est hasard si je les conserve. Comme vous êtes Roi, vous ne considérez Qui ni quoi : Rois et Dieux
mettent, quoi qu'on leur die, Tout en même catégorie. Adieu mes
nourrissons si vous les rencontrez. - Peignez-les-moi, dit l'Aigle, ou bien
me les montrez. Je n'y toucherai de ma vie. Le Hibou repartit : Mes
petits sont mignons, Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons. Vous les reconnaîtrez sans peine à cette marque. N'allez pas l'oublier ;
retenez-la si bien Que chez moi la maudite Parque N'entre point par
votre moyen. Il advint qu'au Hibou Dieu donna géniture, De façon qu'un
beau soir qu'il était en pâture, Notre Aigle aperçut d'aventure, Dans
les coins d'une roche dure, Ou dans les trous d'une masure (Je ne sais
pas lequel des deux), De petits monstres fort hideux, Rechignés, un air
triste, une voix de Mégère. Ces enfants ne sont pas, dit l'Aigle, à notre
ami. Croquons-les. Le galand n'en fit pas à demi. Ses repas ne sont
point repas à la légère. Le Hibou, de retour, ne trouve que les pieds De
ses chers nourrissons, hélas ! pour toute chose. Il se plaint, et les Dieux
sont par lui suppliés De punir le brigand qui de son deuil est cause. Quelqu'un lui dit alors : N'en accuse que toi Ou plutôt la commune loi Qui veut qu'on trouve son semblable Beau, bien fait, et sur tous
aimable. Tu fis de tes enfants à l'Aigle ce portrait ; En avaient-ils le
moindre trait ? |