L'Aigle,
Reine des airs, avec Margot la Pie, Différentes
d'humeur, de langage, et d'esprit Et
d'habit, Traversaient un bout de prairie.
Le hasard les assemble en un coin détourné.
L'Agasse eut peur ; mais l'Aigle, ayant
fort bien dîné, La rassure, et lui dit
: Allons de compagnie ; Si le Maître
des Dieux assez souvent s'ennuie, Lui
qui gouverne l'Univers, J'en puis bien
faire autant, moi qu'on sait qui le sers.
Entretenez-moi donc, et sans cérémonie.
Caquet bon-bec alors de jaser au plus
dru, Sur ceci, sur cela, sur tout. L'homme
d'Horace, Disant le bien, le mal, à
travers champs, n'eût su Ce qu'en fait
de babil y savait notre Agasse. Elle
offre d'avertir de tout ce qui se passe,
Sautant, allant de place en place, Bon
espion, Dieu sait. Son offre ayant déplu,
L'Aigle lui dit tout en colère : Ne
quittez point votre séjour, Caquet bon-bec,
ma mie : adieu. Je n'ai que faire D'une
babillarde à ma Cour : C'est un fort
méchant caractère. Margot ne demandait
pas mieux. Ce
n'est pas ce qu'on croit, que d'entrer chez
les Dieux : Cet honneur a souvent de
mortelles angoisses. Rediseurs, Espions,
gens à l'air gracieux, Au coeur tout
différent, s'y rendent odieux, Quoiqu'ainsi
que la Pie il faille dans ces lieux Porter
habit de deux paroisses.
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