Le Buisson, le Canard, et
la Chauve-Souris, Voyant tous trois
qu'en leur pays Ils faisaient petite
fortune, Vont trafiquer au loin, et
font bourse commune. Ils avaient des
Comptoirs, des Facteurs, des Agents Non
moins soigneux qu'intelligents, Des
Registres exacts de mise et de recette.
Tout allait bien ; quand leur emplette,
En passant par certains endroits Remplis
d'écueils, et fort étroits, Et de Trajet
très difficile, Alla tout emballée au
fond des magasins Qui du Tartare sont
voisins. Notre Trio poussa maint regret
inutile ; Ou plutôt il n'en poussa point,
Le plus petit Marchand est savant sur
ce point ; Pour sauver son crédit, il
faut cacher sa perte. Celle que par
malheur nos gens avaient soufferte Ne
put se réparer : le cas fut découvert. Les
voilà sans crédit, sans argent, sans ressource,
Prêts à porter le bonnet vert. Aucun
ne leur ouvrit sa bourse. Et le sort
principal, et les gros intérêts, Et
les Sergents, et les procès, Et le créancier
à la porte, Dès devant la pointe du
jour, N'occupaient le Trio qu'à chercher
maint détour Pour contenter cette cohorte.
Le Buisson accrochait les passants à
tous coups. Messieurs, leur disait-il,
de grâce, apprenez-nous En quel lieu
sont les marchandises Que certains gouffres
nous ont prises. Le plongeon sous les
eaux s'en allait les chercher. L'oiseau
Chauve-Souris n'osait plus approcher Pendant
le jour nulle demeure : Suivi de Sergents
à toute heure, En des trous il s'allait
cacher. Je connais maint detteur
qui n'est ni souris-chauve, Ni Buisson,
ni Canard, ni dans tel cas tombé, Mais
simple grand Seigneur, qui tous les jours
se sauve Par un escalier dérobé.
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