Maître Corbeau, sur un arbre perché, Tenait en son bec un fromage. Maître
Renard, par l'odeur alléché, Lui tint à peu près ce langage : "Hé !
bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau
! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes
le Phénix des hôtes de ces bois." A ces mots le Corbeau ne se sent pas de
joie ; Et pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber
sa proie. Le Renard s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur, Apprenez que
tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute : Cette leçon vaut bien
un fromage, sans doute. " Le Corbeau, honteux et confus, Jura, mais un peu
tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
Version
de Pierre Perret
Maître Corbeau sur un chêne mastard Tenait un from'ton dans le
clapoir. Maître Renard reniflant qu'au balcon Quelque sombre zonard
débouchait les flacons Lui dit: «Salut Corbac, c'est vous que je
cherchais. A côté du costard que vous portez, mon cher, La robe du soir
du Paon est une serpillière. De plus, quand vous chantez, il paraîtrait
sans charre Que les merles du coin en ont tous des cauchemars.» A ces
mots le Corbeau plus fier que sa crémière, Ouvrit grand comme un
four son piège à ver de terre. Et entonnant "Rigoletto" il laissa choir
son calendo. Le Renard le lui pique et dit: «Apprends mon gars Que si
tu ne veux point tomber dans la panade N'esgourde point celui qui te
passe la pommade...»
Moralité:
On doit reconnaître en tout
cas Que grâce à Monsieur La Fontaine Très peu de chanteurs
d'opéra Chantent aujourd'hui la bouche pleine.
Version
africaine illustrée
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