Les
Sages quelquefois, ainsi que l'Ecrevisse, Marchent à reculons, tournent le dos
au port. C'est l'art des Matelots ;
c'est aussi l'artifice De ceux qui,
pour couvrir quelque puissant effort, Envisagent
un point directement contraire, Et font
vers ce lieu-là courir leur adversaire. Mon sujet est petit, cet accessoire
est grand. Je pourrais l'appliquer à
certain Conquérant Qui tout seul déconcerte
une Ligue à cent têtes. Ce qu'il n'entreprend
pas, et ce qu'il entreprend, N'est d'abord
qu'un secret, puis devient des conquêtes.
En vain l'on a les yeux sur ce qu'il
veut cacher ; Ce sont arrêts du sort
qu'on ne peut empêcher : Le torrent,
à la fin, devient insurmontable. Cent
dieux sont impuissants contre un seul Jupiter.
LOUIS et le Destin me semblent de concert Entraîner l'Univers. Venons à notre
Fable. Mère Ecrevisse un jour
à sa Fille disait : Comme tu vas, bon
Dieu ! ne peux-tu marcher droit ? -
Et comme vous allez vous-même ! dit la fille. Puis-je autrement marcher que ne fait
ma famille ? Veut-on que j'aille droit
quand on y va tortu ? Elle avait raison
; la
vertu De tout exemple domestique Est
universelle, et s'applique En bien,
en mal, en tout ; fait des sages, des sots
: Beaucoup plus de ceux-ci. Quant à
tourner le dos A son but, j'y reviens
; la méthode en est bonne, Surtout au
métier de Bellone ; Mais il faut le
faire à propos.
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