Autrefois
l'Eléphant et le Rhinocéros, En dispute
du pas et des droits de l'Empire, Voulurent
terminer la querelle en champ clos. Le
jour en était pris, quand quelqu'un vint
leur dire Que le Singe de Jupiter, Portant
un Caducée, avait paru dans l'air. Ce
Singe avait nom Gille, à ce que dit l'Histoire.
Aussitôt l'Eléphant de croire Qu'en
qualité d'Ambassadeur Il venait trouver
sa Grandeur. Tout fier de ce sujet de
gloire, Il attend maître Gille, et le
trouve un peu lent A lui présenter sa
créance. Maître Gille enfin, en passant,
Va saluer son Excellence. L'autre
était préparé sur la légation ; Mais
pas un mot : l'attention Qu'il croyait
que les Dieux eussent à sa querelle N'agitait
pas encor chez eux cette nouvelle. Qu'importe
à ceux du Firmament Qu'on soit Mouche
ou bien Eléphant ? Il se vit donc réduit
à commencer lui-même : Mon cousin Jupiter,
dit-il, verra dans peu Un assez beau
combat, de son Trône suprême. Toute
sa Cour verra beau jeu. - Quel combat
? dit le Singe avec un front sévère. L'Eléphant
repartit : Quoi ! vous ne savez pas Que
le Rhinocéros me dispute le pas ; Qu'Eléphantide
a guerre avecque Rhinocère ? Vous connaissez
ces lieux, ils ont quelque renom. -
Vraiment je suis ravi d'en apprendre le
nom, Repartit Maître Gille : on ne s'entretient
guère De semblables sujets dans nos
vastes Lambris. L'Eléphant, honteux
et surpris, Lui dit : Et parmi nous
que venez-vous donc faire ? - Partager
un brin d'herbe entre quelques Fourmis :
Nous avons soin de tout. Et
quant à votre affaire, On n'en dit rien
encor dans le conseil des Dieux : Les
petits et les grands sont égaux à leurs
yeux.
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