Quand
l'Enfer eut produit la goutte et l'araignée, "
Mes filles, leur dit-il, vous pouvez vous
vanter D'être pour l'humaine lignée Également
à redouter. Or avisons aux lieux qu'il
vous faut habiter. Voyez-vous ces cases
étrètes, Et ces palais si grands, si
beaux, si bien dorés : Je me suis proposé
d'en faire vos retraites. Tenez donc,
voici deux bûchettes ; Accommodez-vous,
ou tirez. - Il n'est rien, dit l'aragne,
aux cases qui me plaise. " L'autre,
tout au rebours, voyant les palais pleins De
ces gens nommés médecins, Ne crut pas
y pouvoir demeurer à son aise. Elle prend
l'autre lot, y plante le piquet, S'étend
à son plaisir sur l'orteil d'un pauvre homme, Disant
: " Je ne crois pas qu'en ce poste
je chôme, Ni que d'en déloger et faire
mon paquet Jamais Hippocrate me somme.
" L'aragne cependant se campe en
un lambris, Comme si de ces lieux elle
eût fait bail à vie, Travaille à demeurer
: voilà sa toile ourdie, Voilà des moucherons
de pris. Une servante vient balayer tout
l'ouvrage. Autre toile tissue, autre
coup de balai. Le pauvre bestion tous
les jours déménage. Enfin, après un vain
essai, Il va trouver la goutte. Elle
était en campagne, Plus malheureuse mille
fois Que la plus malheureuse aragne. Son
hôte la menait tantôt fendre du bois, Tantôt
fouir, houer : goutte bien tracassée Est,
dit-on, à demi pansée. " Oh ! je
ne saurais plus, dit-elle, y résister. Changeons,
ma sour l'aragne. " Et l'autre d'écouter
: Elle la prend au mot, se glisse en
la cabane : Point de coup de balai qui
l'oblige à changer. La goutte, d'autre
part, va tout droit se loger Chez un
prélat, qu'elle condamne A jamais du
lit ne bouger. Cataplasmes, Dieu sait
! Les gens n'ont point de honte De faire
aller le mal toujours de pis en pis. L'une
et l'autre trouva de la sorte son compte, Et
fit très sagement de changer de logis.
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