Il ne se faut jamais moquer des misérables : Car qui peut s'assurer d'être
toujours heureux ? Le sage Esope dans ses Fables Nous en donne un
exemple ou deux. Celui qu'en ces Vers je propose, Et les siens, ce sont
même chose. Le Lièvre et la Perdrix, concitoyens d'un champ, Vivaient
dans un état, ce semble, assez tranquille, Quand une Meute s'approchant Oblige le premier à chercher un asile. Il s'enfuit dans son fort, met
les chiens en défaut, Sans même en excepter Briffaut. Enfin il se trahit
lui-même. Par les esprits sortants de son corps échauffé. Miraut sur
leur odeur ayant philosophé Conclut que c'est son Lièvre, et d'une ardeur
extrême Il le pousse, et Rustaut, qui n'a jamais menti, Dit que le
Lièvre est reparti. Le pauvre malheureux vient mourir à son gîte. La
Perdrix le raille, et lui dit : Tu te vantais d'être si vite : Qu'as-tu
fait de tes pieds ? Au moment qu'elle rit, Son tour vient ; on la trouve.
Elle croit que ses ailes La sauront garantir à toute extrémité ; Mais la
pauvrette avait compté Sans l'Autour aux serres cruelles. |