Après mille ans et plus de guerre déclarée, Les Loups firent la paix avecque
les Brebis. C'était apparemment le bien des deux partis ; Car si les
Loups mangeaient mainte bête égarée, Les Bergers de leur peau se faisaient
maints habits. Jamais de liberté, ni pour les pâturages, Ni d'autre part
pour les carnages : Ils ne pouvaient jouir qu'en tremblant de leurs biens. La paix se conclut donc : on donne des otages ; Les Loups, leurs
Louveteaux ; et les Brebis, leurs Chiens. L'échange en étant fait aux
formes ordinaires Et réglé par des Commissaires, Au bout de quelque
temps que Messieurs les Louvats Se virent Loups parfaits et friands de
tuerie, lls vous prennent le temps que dans la Bergerie Messieurs les
Bergers n'étaient pas, Etranglent la moitié des Agneaux les plus gras, Les emportent aux dents, dans les bois se retirent. Ils avaient averti
leurs gens secrètement. Les Chiens, qui, sur leur foi, reposaient sûrement, Furent étranglés en dormant : Cela fut sitôt fait qu'à peine ils le
sentirent. Tout fut mis en morceaux ; un seul n'en échappa. Nous pouvons
conclure de là Qu'il faut faire aux méchants guerre continuelle. La paix
est fort bonne de soi, J'en conviens ; mais de quoi sert-elle Avec des
ennemis sans foi ? |