Ce Loup me remet en mémoire Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris. Il y périt ; voici l'histoire. Un Villageois avait à l'écart son logis. Messer Loup attendait chape-chute à la porte. Il avait vu sortir gibier
de toute sorte : Veaux de lait, Agneaux et Brebis, Régiments de Dindons,
enfin bonne Provende. Le larron commençait pourtant à s'ennuyer. Il
entend un enfant crier. La mère aussitôt le gourmande, Le menace, s'il
ne se tait, De le donner au Loup. L'Animal se tient prêt, Remerciant les
Dieux d'une telle aventure, Quand la Mère, apaisant sa chère géniture, Lui dit : Ne criez point ; s'il vient, nous le tuerons. - Qu'est ceci ?
s'écria le mangeur de Moutons. Dire d'un, puis d'un autre ? Est-ce ainsi que
l'on traite Les gens faits comme moi ? me prend-on pour un sot ? Que
quelque jour ce beau marmot Vienne au bois cueillir la noisette ! Comme
il disait ces mots, on sort de la maison : Un chien de cour l'arrête. Epieux
et fourches-fières L'ajustent de toutes manières. Que veniez-vous
chercher en ce lieu ? lui dit-on. Aussitôt il conta l'affaire. Merci de
moi, lui dit la Mère, Tu mangeras mon Fils ! L'ai-je fait à dessein Qu'il assouvisse un jour ta faim ? On assomma la pauvre bête. Un
manant lui coupa le pied droit et la tête : Le Seigneur du Village à sa
porte les mit, Et ce dicton picard à l'entour fut écrit : Biaux chires
Leups, n'écoutez mie Mère tenchent chen fieux qui crie. |