Le paon se plaignait à Junon. " Déesse, disait-il,
ce n'est pas sans raison Que je me plains, que je murmure : Le chant dont
vous m'avez fait don Déplaît à toute la nature ; Au lieu qu'un rossignol,
chétive créature, Forme des sons aussi doux qu'éclatants, Est lui seul
l'honneur du printemps. Junon répondit en colère : " Oiseau jaloux, et qui
devrais te taire, Est-ce à toi d'envier la voix du rossignol, Toi que l'on
voit porter à l'entour de ton col Un arc-en-ciel nué de cent sortes de
soies ; Qui te panades, qui déploies Une si riche queue, et qui semble à
nos yeux La boutique d'un lapidaire ? Est-il quelque oiseau sous les
cieux Plus que toi capable de plaire ? Tout animal n'a pas toutes
propriétés. Nous vous avons donné diverses qualités : Les uns ont la
grandeur et la force en partage ; Le faucon est léger, l'aigle plein de
courage ; Le corbeau sert pour le présage ; La corneille avertit des
malheurs à venir ; Tous sont contents de leur ramage. Cesse donc de te plaindre ;
ou bien, pour te punir, Je t'ôterai ton plumage. "
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Version
de Pierre Perret
Un paon plus beau qu'un arc-en ciel Au plumage allumé de mille feux
subtils Plus laubé qu'un gracieux papillon du Brésil Se savait admiré et
dégustait du miel. Pour son malheur pourtant en l'esgourdant jacter On eut
cru qu'il avait morgané un frelon Ou pire un jour funeste où il avait
chanté Une arête coincée au fond du corgnolon. Ca lui bottait pas lerche
au plumeau ambulant Non content d'être beau il exigeait hélas! Qu'on le
jugeât aussi hyper intelligent Et surtout il voulait chanter comme La
Callas. C'est beaucoup pour un seul faudrait pas trop pousser. Einstein
qui avait du chou avait le poil bien terne Et la belle Astartée elle avait
l'cerveau en berne Napoléon chantait comme un fer à repasser...
Il fit
des vocalises hurlant tel un dadais Ses profs avaient l'moral dans le fond
des chaussettes Le rossignol moqueur chanta comme un baudet Enfin bref il
finit par leur prendre la tête.
Moralité Vous voulez être riches,
beaux et tout savoir ? C'est pas nul, mais les mecs... préparez vos mouchoirs
!
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