La
Discorde a toujours régné dans l'Univers
; Notre monde en fournit mille exemples
divers : Chez nous cette Déesse a plus
d'un Tributaire. Commençons par les
Eléments : Vous serez étonnés de voir
qu'à tous moments Ils seront appointés
contraire. Outre ces quatre potentats, Combien d'êtres de tous états Se
font une guerre éternelle ! Autrefois
un logis plein de Chiens et de Chats, Par
cent Arrêts rendus en forme solennelle, Vit terminer tous leurs débats. Le
Maître ayant réglé leurs emplois, leurs
Repas, Et menacé du fouet quiconque
aurait querelle, Ces animaux vivaient
entr'eux comme cousins. Cette union
si douce, et presque fraternelle, Edifiait
tous les voisins. Enfin elle cessa.
Quelque plat de potage, Quelque os par
préférence à quelqu'un d'eux donné, Fit
que l'autre parti s'en vint tout forcené Représenter un tel outrage. J'ai
vu des chroniqueurs attribuer le cas Aux
passe-droits qu'avait une chienne en gésine. Quoi qu'il en soit, cet altercas Mit
en combustion la salle et la cuisine ; Chacun
se déclara pour son Chat, pour son Chien. On fit un Règlement dont les Chats se
plaignirent, Et tout le quartier étourdirent. Leur Avocat disait qu'il fallait bel
et bien Recourir aux Arrêts. En vain
ils les cherchèrent. Dans un coin où
d'abord leurs Agents les cachèrent, Les
Souris enfin les mangèrent. Autre procès
nouveau : Le peuple Souriquois En pâtit.
Maint vieux Chat, fin, subtil, et narquois, Et d'ailleurs en voulant à toute cette
race, Les guetta, les prit, fit main
basse Le Maître du logis ne s'en trouva
que mieux. J'en reviens à mon dire.
On ne voit, sous les Cieux Nul animal,
nul être, aucune Créature, Qui n'ait
son opposé : c'est la loi de Nature. D'en
chercher la raison, ce sont soins superflus. Dieu fit bien ce qu'il fit, et je n'en
sais pas plus. Ce
que je sais, c'est qu'aux grosses paroles
On en vient sur un rien, plus des trois
quarts du temps. Humains,
il vous faudrait encore à soixante ans Renvoyer
chez les Barbacoles.
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