Un vieux Renard, mais des plus fins, Grand croqueur de Poulets, grand
preneur de Lapins, Sentant son Renard d'une lieue, Fut enfin au piège
attrapé. Par grand hasard en étant échappé, Non pas franc, car pour gage
il y laissa sa queue : S'étant, dis-je, sauvé sans queue, et tout honteux, Pour avoir des pareils (comme il était habile), Un jour que les Renards
tenaient conseil entre eux : Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile, Et qui va balayant tous les sentiers fangeux ? Que nous sert cette queue
? Il faut qu'on se la coupe : Si l'on me croit, chacun s'y résoudra. -
Votre avis est fort bon, dit quelqu'un de la troupe ; Mais tournez-vous, de
grâce, et l'on vous répondra. A ces mots, il se fit une telle huée, Que
le pauvre écourté ne put être entendu. Prétendre ôter la queue eût été temps
perdu ; La mode en fut continuée. |