A Monseigneur le duc de Bourgogne qui avait demandé à M. de la Fontaine
une fable qui fût nommée le Chat et la Souris.
Pour plaire au jeune Prince à qui la Renommée Destine un Temple en mes
Ecrits, Comment composerai-je une Fable nommée Le Chat et la Souris ?
Dois-je représenter dans ces Vers une belle Qui, douce en apparence, et
toutefois cruelle, Va se jouant des coeurs que ses charmes ont pris
Comme le Chat et la Souris ? Prendrai-je pour sujet les jeux de la
Fortune ? Rien ne lui convient mieux, et c'est chose commune Que de lui
voir traiter ceux qu'on croit ses amis Comme le Chat fait la Souris,
Introduirai-je un Roi qu'entre ses favoris Elle respecte seul, Roi qui
fixe sa roue, Qui n'est point empêché d'un monde d'Ennemis, Et qui des
plus puissants, quand il lui plaît, se joue Comme le Chat de la Souris ?
Mais insensiblement, dans le tour que j'ai pris, Mon dessein se
rencontre ; et si je ne m'abuse, Je pourrais tout gâter par de plus longs
récits. Le jeune Prince alors se jouerait de ma Muse Comme le Chat de la
Souris.
Le vieux Chat et la jeune Souris
Une
jeune Souris de peu d'expérience Crut
fléchir un vieux Chat, implorant sa clémence, Et
payant de raisons le Raminagrobis : Laissez-moi
vivre : une Souris De ma taille et de
ma dépense Est-elle à charge en ce logis
? Affamerais-je, à votre avis, L'Hôte
et l'Hôtesse, et tout leur monde ? D'un
grain de blé je me nourris ; Une noix
me rend toute ronde. A présent je suis
maigre ; attendez quelque temps. Réservez
ce repas à messieurs vos Enfants. Ainsi
parlait au Chat la Souris attrapée. L'autre
lui dit : Tu t'es trompée. Est-ce à moi
que l'on tient de semblables discours ? Tu
gagnerais autant de parler à des sourds. Chat,
et vieux, pardonner ? cela n'arrive guères. Selon
ces lois, descends là-bas, Meurs, et
va-t'en, tout de ce pas, Haranguer les
soeurs Filandières. Mes Enfants trouveront
assez d'autres repas. Il tint parole
; Et pour ma Fable Voici le sens moral
qui peut y convenir : La
jeunesse se flatte, et croit tout obtenir
; La vieillesse est impitoyable. |
Version
de Pierre Perret
Un greffier ronflottait sur sa chaise à porteurs Dodu, lascif, peinard,
conscient de son bonheur, Quand une souris survint sortant de sa
cabine Histoire de s'aérer un p'tit coup les tétines. Sur le chemin d'la
plage le matou l'aperçoit Et s'apprête à lui faire le coup du père
François. Il en fera un pâté, ou plutôt une quiche Et à fond les manettes,
il lui cavale aux miches. Emportés par l'élan et la baskets qui
fument Soudain, ils freinent sec, un clébard a surgi, Qui bien qu'un peu
gâteux, un peu perdant ses plumes, Se lance à fond la caisse aux trousses du
Mistigrti La souris épargnée se dit en fin de compte: Qu'il faille se
faire becqueter par l'autre face de raie ! Il est bien évident quand le récit
s'estompe Que chacun court après son petit intéret. Moralité: On court,
on court, c'est vrai, après l'argent, l'amour La jeunesse, on s'obstine à
poursuivre du vent. Mais après mille tours on s'aperçoit un jour Que nos
fesses jamais ne passeront devant.
|